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  • Photo du rédacteurAnaïs Bove

Le droit de la propriété intellectuelle (France, Luxembourg, Japon)

Publié le 22/09/2017 - Mis à jour le 11/10/2021


Lorsque nous écrivons un texte, un poème ou un roman, lorsque nous composons une musique ou une chanson, nous détenons des droits exclusifs sur nos créations et un droit à leur protection, c'est-à-dire l'interdiction de leur reproduction par d'autres personnes. De même, lorsque nous créons un logo, une marque ou encore un design, nous aspirons à leur protection. C'est précisément l'objet du droit de la propriété intellectuelle, qui est traditionnellement et internationalement, classé en deux catégories : la propriété littéraire et artistique (I) et la propriété industrielle (II). I. La propriété littéraire et artistique La protection des oeuvres littéraires et artistiques a été consacrée par la convention (internationale) de Berne en 1886, qui a connu de nombreuses modifications, en 1896 (acte additionnel de Paris), 1908 (acte de Berlin), 1914 (protocole additionnel de Berne), 1928 (acte de Rome), 1948 (acte de Bruxelles), 1967 (acte de Stockholm), 1971 (acte de Paris) et enfin en 1979 (entrée en vigueur en 1984). Chaque pays adhérent à cette convention reprend néanmoins, normalement, l'ensemble de ses dispositions au niveau de leur législation nationale. La protection des oeuvres littéraires et artistiques fait l'objet, par exemple, de la première partie du Code de la Propriété Intellectuelle français. Au Luxembourg, c'est la loi du 18 avril 2001 telle que modifiée en 2004, sur les droits d'auteur, les droits voisins et les bases de données, qui pose le cadre juridique de cette catégorie de propriété intellectuelle. Au Japon, la propriété littéraire et artistique est consacrée par la loi sur le droit d'auteur (著作権法 : Copyright Act) du 6 mai 1970, modifiée dernièrement le 3 décembre 2010. La propriété littéraire et artistique comprend 2 sous-catégories : le droit d'auteur (A), les droits voisins du droit d'auteur (B), ainsi qu'une troisième sous-catégorie dans l'Union Européenne, le droit sui generis des producteurs de bases de données (C). A. Le droit d'auteur Quelles sont les productions protégées par le droit d'auteur ? Il s'agit de toutes les productions originales du domaine littéraire, scientifique ou artistique, quel qu'en soit le mode ou la forme d'expression. L'article L112-2 du Code de la Propriété Intellectuelle français nous donne une liste non-exhaustive de ces productions : "- Les livres, brochures et autres écrits littéraires, artistiques et scientifiques ; - Les conférences, allocutions, sermons, plaidoiries et autres oeuvres de même nature ; - Les oeuvres dramatiques ou dramatico-musicales ; - Les oeuvres chorégraphiques, les numéros et tours de cirque, les pantomimes, dont la mise en oeuvre est fixée par écrit ou autrement ; - Les compositions musicales avec ou sans paroles ; - Les oeuvres cinématographiques et autres oeuvres consistant dans des séquences animées d'images, sonorisées ou non, dénommées ensemble oeuvres audiovisuelles ; - Les oeuvres de dessin, de peinture, d'architecture, de sculpture, de gravure, de lithographie ; - Les oeuvres graphiques et typographiques ; - Les oeuvres photographiques et celles réalisées à l'aide de techniques analogues à la photographie ; - Les oeuvres des arts appliqués ; - Les illustrations, les cartes géographiques ; - Les plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs à la géographie, à la topographie, à l'architecture et aux sciences ; - Les logiciels, y compris le matériel de conception préparatoire ; - Les créations des industries saisonnières de l'habillement et de la parure. Sont réputées industries saisonnières de l'habillement et de la parure les industries qui, en raison des exigences de la mode, renouvellent fréquemment la forme de leurs produits, et notamment la couture, la fourrure, la lingerie, la broderie, la mode, la chaussure, la ganterie, la maroquinerie, la fabrique de tissus de haute nouveauté ou spéciaux à la haute couture, les productions des paruriers et des bottiers et les fabriques de tissus d'ameublement." Les bases de données (compilations d'oeuvres), sans préjudice des droits de l'auteur de l'oeuvre originale, sont également protégées par le droit d'auteur via la Convention de Berne. Plus précisément, en France, par l'article L112-3 du Code de la Propriété Intellectuelle et au Luxembourg, par l'article 1er de la loi du 18 avril 2001 telle que modifiée en 2004, sur les droits d'auteur, les droits voisins et les bases de données. Attention, les simples "idées" ne sont pas protégées par le droit d'auteur. En fait, seules les "expressions d'idées" sont protégées (par exemple : pas l'idée de prendre une photo d'un bâtiment en particulier mais la photo du bâtiment en elle-même). Que faire pour obtenir une telle protection par le droit d'auteur ? Aucune formalité n'est requise et les productions originales susmentionnées bénéficient automatiquement d'une protection par le droit d'auteur. Néanmoins, du point de vue de la preuve d'antériorité et de la facilité d'exploitation commerciale des productions, chaque pays propose normalement un système d'enregistrement des oeuvres. Par exemple, pour les auteurs, compositeurs et éditeurs de musiques, il existe la SACEM en France, la SACEM au Luxembourg et la JASRAC au Japon. Comment est sub-divisé le droit d'auteur ? Contrairement aux pays de "common law" (Etats-Unis etc.), la France, le Luxembourg et le Japon confèrent au droit d'auteur, un droit "moral", en sus du droit patrimonial. Les droits patrimoniaux sont les droits relatifs au profit pouvant être retiré de l'exploitation d'une oeuvre (reproduction, distribution, performance publique, traduction, adaptation), alors que les droits moraux sont issus des liens spécifiques unissant l'auteur à son oeuvre (en résumé, les droits attachés à l'intégrité même d'une oeuvre). B. Les droits voisins du droit d'auteur Il s'agit des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes, des producteurs de vidéogrammes,  des entreprises de communication audiovisuelles. Les droits voisins ne portent pas atteinte aux droits des auteurs. Comme les auteurs d'oeuvres originales, ils bénéficient de droits patrimoniaux et moraux. Au niveau international, la protection de ces personnes est consacrée par le Traité de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes (WPPT). En France, la Société pour la Perception de la Rémunération Equitable (SPRE) est chargée de collecter les recettes revenant aux artistes-interprètes et aux producteurs (rémunération équitable) lorsque leurs oeuvres sont diffusées dans des lieux publics. C. Le droit sui generis des producteurs de bases de données Une directive communautaire de 1996 est à l'origine d'une protection complémentaire des bases de données : un "droit sui generis des producteurs de bases de données", transposé dans la législation nationale de chaque Etat membre de l'Union Européenne. Il s'agit d'une protection qui s'ajoute à celle conférée par le droit d'auteur et qui requiert la réunion de conditions très spécifiques. II. La propriété industrielle Cette catégorie comprend les marques (françaises, Benelux, européennes, internationales...) (A), les appellations d'origine (B), les dessins et modèles (C), les brevets (inventions) (D), les certificats d'obtention végétale (E) et les produits semi-conducteurs. Il s'agit de la seconde partie du Code de la Propriété Intellectuelle français. Au Luxembourg, il existe une législation spécifique à chaque catégorie. Au Japon, la protection de la propriété industrielle est assurée par la loi sur la propriété intellectuelle (知的財産基本法 : Intellectual Property Basic Act) du 4 décembre 2002, dernièrement modifiée le 16 juillet 2003. En France, la propriété industrielle est gérée par l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI), qui délivre les titres de propriété industrielle. En effet, contrairement à la propriété littéraire et artistique, la protection de la propriété industrielle requiert un enregistrement et / ou dépôt particulier. Au Luxembourg, l'Office Benelux de la Propriété Intellectuelle (OBPI) propose de faire ces enregistrements et /ou dépôts. Au niveau de l'Union Européenne, nous avons l'Office de l'Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle (EUIPO). Au Japon, c'est le Japan Patent Office (JPO). ​​​​​​​ A. Les marques Une marque est un signe destiné à identifier certains produits et /ou services ainsi qu'à se démarquer des autres. Elle doit être distinctive et ne doit pas décrire ce qui est vendu en usant d'un monopole. Par exemple, la marque Apple peut vendre des ordinateurs mais ne pourrait pas vendre des pommes. Une grande particularité des marques est le fait qu'elles doivent être enregistrées dans une ou plusieurs "classes de produits et /ou services", répertoriées dans l'"Arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l'enregistrement des marques" (la classification internationale de Nice), dont la onzième édition est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Selon le lieu d'exploitation de la marque, il est possible de déposer une marque au niveau national (INPI, JPO...), au niveau régional (Benelux), au niveau européen (EUIPO, "marques de l'Union Européenne" et non plus "communautaires", avec l'entrée en vigueur du règlement (UE) 2015/2424 le 23 mars 2016) ou de faire un dépôt global pour une marque rayonnant à l'international via le système de Madrid. Il faut être attentif à ce que la marque soit enregistrée dans chaque pays où elle est utilisée, pour éviter qu'elle soit librement utilisée par des tierces personnes. Au delà de la simple protection, l'enregistrement d'une marque permet également d'autoriser d'autres personnes à l'utiliser par un système de franchise ou de licence, moyennant paiement (royalties...). B. Les appellations d'origine L'article L721-1 du Code de la Propriété Intellectuelle français et l'article L.115-1 du Code de la Consommation français définissent les appellations d'origine de la façon suivante : "Constitue une appellation d'origine la dénomination d'un pays, d'une région ou d'une localité servant à désigner un produit qui en est originaire et dont la qualité ou les caractères sont dus au milieu géographique, comprenant des facteurs naturels et des facteurs humains." A titre d'exemple, nous avons le Champagne pour la France, le Crémant pour le Luxembourg ainsi que l'Asti Spumante pour l'Italie, trois alcools se ressemblant mais chacun ayant des sensibilités et une appellation d'origine différente. Les appellations d'origine sont protégées au niveau international par la Convention de Paris pour la Protection de la Propriété Industrielle signée en 1883 et l'"Arrangement de Lisbonne concernant la protection des appellations d'origine et leur enregistrement international" datant de 1958, dernièrement modifié en 1979. Au niveau national, elles sont protégées via le droit contre la concurrence déloyale, le droit de la consommation, le droit des marques et d'autres lois propres aux appellations d'origine. C. Les dessins et modèles industriels Les dessins et modèles sont utilisés pour créer des vêtements, des sacs, des emballages, des symboles graphiques etc. Comme pour les marques, il existe une classification internationale, la classification de Locarno, consacrée par l'"Arrangement de Locarno instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels" datant de 1968. Il conviendra donc de choisir les classes nécessaires en faisant le dépôt. Le système de La Haye permet d'enregistrer jusqu'à 100 dessins et modèles sur plus de 66 territoires, avec une seule demande internationale. Le Japon n'en était pas parti jusqu'en 2014 et possédait son propre système d'enregistrement. Cette classification internationale y est entrée en vigueur le 24 septembre 2014. D. Les brevets Un brevet est un titre relatif à une invention, conférant un droit exclusif d'exploitation à son titulaire ou à ses ayants cause. Il peut s'agir d'un produit, d'un procédé ou d'un dispositif (nouvelles technologies, produits pharmaceutiques, cosmétiques...). Pour être enregistré, le dossier de la demande de brevet doit être très détaillé et solide : il faut démontrer une nouveauté, une activité inventive et une application industrielle. Au niveau international, le brevet d'invention est consacré par le Traité de coopération en matière de brevets ("Patent Cooperation Treaty", PCT), signé en 1970 et dernièrement modifié en 2001. Il n'existe pas de "brevets européens", contrairement aux marques qui peuvent être enregistrées sous forme de "marques européennes". Néanmoins, il est possible de déposer une demande de brevet auprès de l'Office Européen des Brevets (OEB), qui se chargera de transmettre la demande à chaque Etat membre via la Convention sur le Brevet Européen (CBE) de 1973. Le "brevet européen" délivré constitue un "faisceau" de brevets nationaux individuels, à faire valider par chaque Etat membre. En France, l'INPI est en charge d'une demande nationale, alors qu'au Luxembourg, c'est le Ministère de l'Economie qui reçoit de telles demandes. Au Japon, c'est le JPO. Comme pour les marques, au-delà de la protection pure et simple, le brevet peut faire l'objet d'une licence moyennant rémunération ou même être vendu à une tierce personne. E. Les certificats d'obtention végétale Les agriculteurs et les horticulteurs sont amenés à développer de nouveaux types de végétaux et une protection s'avère indispensable. Au niveau international, la protection des obtention végétales est consacrée par la "Convention internationale pour la protection des obtentions végétales" (UPOV) signée en 1961 et dernièrement modifiée en 1998. 5 critères doivent être réunis pour obtenir un enregistrement valide. La variété végétale doit être : nouvelle, homogène, distincte, stable, avec une dénomination acceptable. ©​​​​​​​ Maître Anaïs BOVE Avocate aux Barreaux de Marseille et de Luxembourg

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