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  • Photo du rédacteurAnaïs Bove

L'usage d'internet au travail (Europe : Cour Européenne des Droits de l'Homme)

Publié le 22/10/2017 - Mis à jour le 26/11/2017


A l'heure où certains d'entre nous souffrent de "nomophobie" (peur excessive d'être séparé de son téléphone portable) et où nous ressentons souvent le besoin d'être "connectés" en quasi-permanence, la Cour Européenne des Droits l'Homme (CEDH) a dû se pencher sur un sujet crucial : l'utilisation d'internet sur le lieu de travail. L'envoi de messages privés via la messagerie professionnelle pendant les heures de travail Un ingénieur roumain avait été licencié par son employeur au motif qu'il avait envoyé de nombreux messages privés pendant ses heures de travail, via la messagerie de la société, normalement exclusivement destinée à un usage professionnel, et ce qui était prohibé par le règlement intérieur de l'entreprise. Les juridictions roumaines avaient débouté le salarié concernant sa demande tendant à faire reconnaître que son licenciement reposait sur une violation du droit au respect de sa vie privée et de sa correspondance. Afin d'obtenir gain de cause, le salarié n'avait donc pas eu d'autre choix que de saisir la CEDH. La décision de la CEDH La grande chambre de la CEDH a rendu sa décision le 5 septembre 2017 ("Barbulescu / Roumanie", n°61496/08) en donnant raison au salarié : la Cour a décidé de renforcer la protection de la vie privée du salarié au travail, en concluant que la surveillance par l'employeur des communications électroniques du salarié violait le droit au respect de sa vie privée et de sa correspondance. Afin de parvenir à cette conclusion, la Cour s'est posée la question de savoir s'il existait un juste équilibre entre le droit du salarié à la protection de sa vie privée et de sa correspondance et celui de l'employeur d'organiser et de superviser le travail de ses salariés. Pour y répondre, la Cour s'est basée sur 6 facteurs, inspirés de l'article 5 du règlement général sur la protection des données (RGPD), entrant en vigueur le 25 mai 2018 au sein de l'Union Européenne : - Information claire et préalable de l'employeur au salarié sur la nature de la surveillance dont il peut faire l'objet; - Etendue de la surveillance : partielle ou intégrale, durée, nombre de personnes ayant accès aux données récoltées; - Motifs légitimes de l'employeur justifiant la surveillance du salarié : la Cour impose une justification sérieuse; - Caractère adapté de la surveillance au regard de la finalité : vérifier si le but poursuivi par l'employeur ne pouvait pas être atteint par un autre moyen; - Conséquences de la surveillance pour le salarié; - Garanties offertes au salarié; En l'espèce, le salarié n'avait jamais été informé d'une quelconque surveillance et n'avait donc pas pu adapter son comportement en connaissance de cause. L'indifférence de la mention "privé" ou "personnel" dans l'objet des emails Certaines juridictions nationales, comme la France, ont posé, pour les emails envoyés par le salarié via les outils informatiques professionnels, une présomption d'"emails professionnels", garantissant un accès par l'employeur sans violation du droit à la vie privée. Par contre, si le salarié mentionne clairement dans l'objet de l'email "privé" ou "personnel", l'employeur ne peut y accéder et les utiliser à l'encontre du salarié. La CEDH ne semble pas prendre en considération cette distinction. L'application de la jurisprudence de la CEDH L'ensemble des juridictions nationales de l'Union Européenne devront en principe appliquer la nouvelle jurisprudence de la CEDH. Par conséquent, les sociétés devront rapidement revoir leur règlement interne afin de s'assurer de leur conformité avec les nouvelles règles posées par la CEDH. ©​​​​​​​ Maître Anaïs BOVE Avocate aux Barreaux de Marseille et de Luxembourg

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